« J’ai 46 ans et j’ai été victime de problèmes cardiaques au début de ma carrière. En tant que secrétaire médicale, j’ai été très régulièrement en position de devoir faire des examens médicaux et des échographies de contrôle, ce qui n’est pas sans risque. Mais pour moi et pour le reste de l’équipe, c’est une nécessité de voir notre travail. Je ne sais plus où je m’étais arrêté. En tant que secrétaire, je me retrouvais dans une position où je devais dire les choses comme elles me venaient à l’esprit. Et c’était douloureux car tout mon travail s’articulait autour du ressenti des patients. J’ai donc décidé de tout quitter pour suivre mon mari qui était en poste en Inde et où il avait déjà été confronté à ce type d’examen. J’ai pu alors m’appuyer sur une femme de ménage, une secrétaire médicale et un infirmier qui ont accepté de me suivre dans cette aventure. J’ai fait mon « coming out » et je suis devenue médecin, en faisant un choix de vie qui m’était devenu indispensable. »
« Mon mari a eu un accident du travail avec un coup du lapin, alors que je m’occupais de la gestion de son dossier. J’ai été confrontée à un manque de temps et de ressources. J’ai donc décidé de reprendre mes études pour être médecin du travail. Il fallait que je sois dans les deux cas : être médecin et au bureau. Mon mari a été réévalué avec un diagnostic de lombalgie, ce qui n’a rien de très grave, mais cela me mettait en danger. J’étais à nouveau confrontée à la question du rapport de force. J’ai décidé de reprendre une activité en tant que médecin du travail mais en étant accompagnée par mon conjoint, en me disant qu’il me fallait un temps pour réfléchir avant de me lancer. J’ai travaillé en tant que médecin du travail mais en étant accompagnée par mon conjoint.
« Mon travail est lié à la gestion des risques dans un centre hospitalier et j’ai choisi de poursuivre mon activité en tant que médecin du travail pendant la durée de mes études de médecine. C’est une façon de gérer ce que je considère comme des risques liés à ma profession. Je travaille sur un poste à forte responsabilité : les dossiers de salariés sont très nombreux. C’est un travail qui exige des compétences relationnelles. Etant infirmière de bloc opératoire, je suis confrontée à la douleur et aux risques liés à la manipulation d’éléments anatomiques. J’essaie de rester le plus à distance possible de tout cela, mais c’est aussi une façon de pouvoir rester à l’écoute de mes patients, pour qu’ils puissent exprimer leurs problèmes.
« J’étais secrétaire médicale et secrétaire médicale et infirmière. Je souhaitais devenir médecin, mais cela m’a pris des années pour y parvenir et je ne souhaitais pas prendre le temps de faire une spécialisation. J’ai donc décidé de travailler dans une clinique en tant que médecin adjoint pour pouvoir me mettre à mon compte. J’étais en charge de la pharmacie et de la préparation des injections. Mais j’ai rapidement été confrontée à des situations complexes : certains patients sont décédés et d’autres ont été opérés dans des conditions déplorables. Cela a été difficile pour moi. Mais il faut savoir qu’il n’y a pas forcément de lien entre la clinique et le patient. La personne peut mourir à l’hôpital, dans un couloir, ou dans une voiture. J’ai donc commencé à faire des visites et à poser des questions aux patients. J’ai fait de nombreuses consultations en psychiatrie, en psychologie, en soins palliatifs. Cela m’a permis de prendre conscience de certaines pathologies que je n’avais pas pu voir à cause de ma charge de travail.
« J’ai travaillé comme médecin hospitalier pendant 18 ans. J’ai pris ma retraite pour me lancer dans la médecine du travail. Ce fut un choix très personnel et une décision qui m’a demandé de la réflexion. J’ai eu un parcours universitaire classique : DES de médecine générale, DESC de santé publique et DES de médecine du travail. Pour faire des remplacements en médecine générale, j’ai commencé mon cursus en médecine. Mais je n’ai pas eu de retour sur mon dossier et j’ai du repartir en France. J’ai finalement suivi une formation de médecine du travail et de santé publique qui s’est terminée avec une thèse. Cela a été pour moi un nouveau tournant de ma carrière. J’étais très heureuse de me lancer dans une voie de recherche et d’avenir professionnel. Mais au bout de 3 ans de recherche, j’ai décidé de me lancer dans cette nouvelle voie qui correspondait mieux à mon projet de vie. J’ai été formée à Lyon, avec un DES de santé publique et de médecine du travail. Ce diplôme de santé publique m’a apporté un aspect beaucoup plus technique que mon DES de médecine générale. C’est pourquoi je souhaitais travailler sur le volet de la santé publique et de la santé au travail, et avoir une approche plus globale. Pour moi, cela a été le début d’un nouveau chemin.
« J’ai eu l’occasion de travailler pour un centre hospitalier spécialisé dans la maladie de Parkinson, à l’époque où les pathologies étaient très différentes. C’était un centre très particulier qui était à la recherche d’un mode de prise en charge innovant. Cela m’a permis de voir la maladie de Parkinson sous un autre angle, très différent de celui que je pouvais voir en tant que médecin généraliste dans mon cabinet rural. C’est ce qui m’a donné l’envie de m’orienter vers une spécialisation en gériatrie. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de reprendre mes études. J’ai passé ma thèse en gériatrie et je suis devenue médecin spécialisée. J’ai pu ainsi travailler en hôpital public, en hôpital privé, en maison de retraite. Ce qui est très intéressant, c’est que je suis une femme, et que j’ai un parcours assez atypique. Il n’y a pas beaucoup de médecins qui ont ce parcours, alors qu’en médecine générale, les médecins sont très souvent des hommes. Ce qui m’a permis de me positionner comme femme médecin et d’avoir une autre perception de la prise en charge du patient. C’est cette double perspective qui m’a donné envie d’intégrer cette profession.
« J’ai fait mon internat de médecine générale et mon DIU en médecine du travail. J’ai ensuite fait une thèse en médecine du travail et je me suis intéressée à la prévention des risques psychosociaux dans le milieu hospitalier. J’ai ensuite été nommée dans une grande unité de soins, dans un service d’oncologie et de dialyse. Au bout de 5 ans, mon mari a décidé de reprendre son poste en médecine générale à l’hôpital. Il faut savoir qu’il y a une réelle différence entre les deux spécialités. En médecine, on peut exercer dans la médecine générale en libéral ou dans le milieu hospitalier et en médecine du travail dans les établissements de santé. Cela n’a rien à voir avec la spécialisation que je fais actuellement : je suis en médecine du travail. Je continue à travailler comme médecin généraliste, en libéral avec le même rythme. En revanche, je travaille sur un autre secteur : je me consacre à la prévention des risques psychosociaux. J’interviens dans le milieu hospitalier auprès des médecins et je suis une référente en matière de prévention des risques psychosociaux. Cette activité est très stimulante. Je suis très intéressée par le fait d’apprendre aux professionnels de la santé à mieux appréhender la gestion des risques psychosociaux pour mieux prévenir les accidents.